Alors que la Guerre de l’Anneau n’avait pas commencé, l’inquiétude gagnait les Peuples-Libres face à la montée en puissance du Nécromancien que l’on n’avait pas encore identifié comme étant Sauron……

Les pas d’une Galadriel agacée résonnèrent dans le haut couloir tendu de vert pâme tandis qu’elle arpente les aborde de la grande salle de réunion. Rarement la souveraine des Elfes a fait preuve d’un tel émoi, rarement a-t-elle dû lutter aussi fortement pour dissimuler son inquiétude. Derrière elle, le Conseil des Sages a été interrompu une nouvelle fois. Depuis près d’une semaine, les échanges et tractations se succèdent afin de désigner le premier des Istari ; les Sorciers dont dépend le sort d’Endor. Perdue dans ses pensées, elle n’entend pas approcher son conseiller Fenromë, qui toussote pour attirer son attention.

Radagast le Brun

" Votre quiétude, ma Dame, semble profonde. Désiriez-vous la partager avec moi ? demande-t-il d’une voix flûtée qui détonne avec sa forte stature et son regard sombre.

-J’ai peur, Fenromë. Peur que les décisions qui vont être prises ici ne mettent en danger l’avenir de tous. Celui qui sera désigné à la tête des Istari aura une tâche importante à accomplir.

-Tous candidats possèdent de grande qualités, et tous me semblent à même de remplir cette mission.

-Oui, c’est vrai, tous les cinq sont de puissants mages et de alliés valeureux.

-Qu’est ce qui vous inquiète alors tant ?

-Avec le retour de ce Nécromancien inconnu à Dol Guldur, nous aurons besoin d’êtres d’exceptions. Nous ne devons pas faillir aujourd’hui. Mes visions sont sombres Fenromë, pleines de sang et de ténèbres.

-Quel candidat en votre faveur ? "

Galadriel esquisse un mince sourire : " Vous le savez bien. Selon moi – et Cirdan partage cet avis – seul Gandalf le Gris est à même d diriger les Istari, car lui seul porte un intérêt réel aux choses de cette terre.

-Vous oubliez Radagast le Brun, son amour des créatures vivantes est sans doute ce qu’il a de plus grand. Avez-vous oublié son arrivé : il était comme un songe, enveloppé dans de nuées d’oiseaux dont certains n’avaient jamais franchi auparavant les frontières de la Lorien.

-Radagast est bon, mais son intérêt n’embrasse que les oiseaux, les plantes et les animaux, toutes ces créatures qui peuplent Endor. Qui prendra soin des Hobbits, des Humains et des Nains si Radagast prend la tête du Conseil ? De plus, lui-même semble peu disposé à briguer cette charge. Avez-vous vu comment il n’écoute les débats que d’un air distrait ? Non, une telle mission serait un fardeau trop lourd pour les épaules de Radagast. Il est le compagnon de Saroumane, mais il n’e que trop visible que celui-ci le méprise ; comment alors pourrait-il le suivre ? Désigner Radagast revient à désigner Saroumane, car celui-ci serait capable de le commander aisément. "

Alatar le guerrier.

" Si l’ambition est la clef, alors Alatar est sans aucun doute le candidat le plus à même de devenir le chef de l’Ordre. Lui au moins n’as pas fait mine de renâcher devant la tache à accomplir. Et il s’est déjà gagné de nombreuses voix importantes, parmi lesquelles celle d’Aduin et de votre mari Celeborn.

-Alatar est un puissant sorcier, et un valeureux combattant, mais ce sont des paroles guerrières qui ont séduit les conseillers. Faire la guerre au Nécromancien, te que le préconise Alatar, n’est pas la bonne solution, je le pressens.

-Certains parmi les Istari le soutiennent tout de même, et l’appui de Saroumane n’est pas négligeable.

-L’ambition d’Alatar m’inquiète, je ne peux expliquer pourquoi, mais elle m’apparaît comme un facteur de défaite.

-Ma Dame, j’ai bien peur que l’effroi ne vous aveugle ". La haute silhouette de Rilia, souveraine et guerrière, sanglée dans son armure de mithril, se dresse face à celle, presque menue en comparaison de Galadriel. Elle esquisse un moue de défi. " Alatar est un guerrier, un sorcier qui comprend les voies de la chasse et du combat. Pour lutter contre le Nécromancien, ce sont des qualités qui seront nécessaires. L’heure des tergiversations est passée ; Gandalf a voulu identifier l’Ennemi et nous avons tous cru que sa fuite signifiait la victoire. Mais maintenant, le Nécromancien est revenu, plus puissant que jamais. Pendant toutes ces années d’insouciance, il a nourri ses pouvoirs et ses ambitions. Allez- vous encore lui envoyé Gandalf, pour que dans quelques années notre ennemi revienne plus puissant encore ? Il faut frapper maintenant, et écraser le Nécromancien tel le ver qu’il est. Et peu importe de savoir son nom, tant qu’il ne représente plus une menace pour les Terres du Milieu. "

Fulminante, Rilia claque des talons et s’éloigne, sa longue chevelure rousse la drapant de flammèches à mesures qu’elle avance.

Pallando le pur.

" Voilà exactement ce que je crains Fenromë, reprit Galadriel. Alatar va entraîner derrière lui tous ceux que la guerre exalte, tous ceux qui pensent que la force est le seul moyen de résoudre tous les problèmes.

-Ce n’est parfois pas faux.

Oui, mais dans ce domaine il nous faut faire preuve de subtilité. Ce n’est pas la haine que nous gagnerons, car la haine est l’arme de l’Ennemi, et il sait bien mieux s’en servir que nous ne le pourrons jamais. Envoyons Alatr et ses troupes, et au bout de quelques temps, ce n’est plus un Nécromancien que nous aurons à craindre, mais toute une armée, vouée aux ténèbres. Désirez-vous voir d’autres Nazgûl ? N’oubliez jamais que c’est leur soif de pouvoir qui est à l’origine de la corruption qui les ronge. Alatar serait un terrifiant Nazgûl, un allié de choix pour le Nécromancien.

-Je vous accorde que le choix d’Alatar est des plus risqués, et que vous pouvez sans nul doute convaincre le Conseil de vos crainte à son sujet. Mais dans ce cas pourquoi ne pas choisir son ami Pallando ? Il est sage, dénué d’ambitions et sa connaissances des ténèbres et de leurs ruses le rendrait sans doute plus apte à résister aux sortilèges du Nécromancien, Gandalf lui ne possède pas cette science de la mort.

-Pallando connaît les troubles de l’âme, c’est vrai, et saurait sans doute trouver aisément sa voie parmi les pièges du Nécromancien. Mais j’ai peur que sa résolution ne pâlisse en chemin, qu’elle ne l’éclaire plus autant qu’il serait nécessaire pour accomplir cette mission. A trop s’approcher de l’ombre, on finit soi-même par perdre la notion de la lumière, et c’est une route très obscure que devra arpenter Pallando. C’est un grand voyageur, cependant, et cette vertu pourrait s’avérer des plus utiles, car les suppôts du Mal se cachent aux quatre coins des Terres du Milieu. Pourtant, je continue à lui préférer Gandalf, même si sa connaissance des arts sombres est bien moins grande. "

Saroumane le Blanc

" Reste Saroumane, car même s’il semble soutenir la candidature d’Alatar, il serai tout à fais en mesure de prendre la tête des Istari. Et de plus, il n’as cessé de voyager pour emmagasiner des connaissances sur nos ennemis.

-Je n’aime ni ses manigances, ni sa voix mielleuse, Fenromë, et je ne peux m’empêcher de penser qu’il prépare quelque chose, ici même, dans ce Conseil. C’est un grand Maia, et certainement un fidèle d’Aulë, et son intelligence n’est plus à prouver, mais je le soupçonne de rouerie. Lorsque je te disais craindre que Pallando ne succombe au Nécromacien, je ne le soupçonnais que de naïveté, alors que Saroumane est pour moi capable de malignité. Pourquoi soutient-il Alatar selon toi, lui qui a maintes fois annoncés son désir de briguer la tête du Conseil ?

-Peut être pense-t-il être mieux à même de le diriger en restant couvert, où son habileté à la diplomatie pourrait faire merveille. Il est vrai que vous m’inquiétez soudainement ma Dame. Saroumane me semble trop discret en regard et ses prétentions passées. Mais que fait Gandalf, pourquoi n’intervient-il pas ?

-Gandalf le Gris est un sage, et il rechigne sans doute à s’impliquer dans ces tractations. Je crois que rien de ce qui sera décidé ici n’entamera son dévouement et sa ferveur dans la quête qu’il a entreprise. Gandalf est un véritable ami des Elfes, mais aussi des Humains et des Hobbits de la Comté. Si quelqu’un est capable de purifier Endor des ombres qui la rongent, c’est bien lui. "

Gandalf le Gris

" Si je me trompe, lui même doutait d’être à la hauteur de la tâche, lorsque Manwë l’a envoyé en Endor. Il est difficile de demander au Conseil de le choisir dans ces conditions.

-C’est une hésitation qui l’honore, et tu connais toi même sa grandeur d’âme. Jamais Gandalf n’a à même à ma connaissance agi autrement que dans le meilleur intérêt de ses amis. De plus, contrairement aux autres Istari, il est venu seul, pour éprouver lui-même sa force d’âme. As-tu vu comment les autres Istari se comportaient entre eux ? Saroumane méprise Radagast, et Alatar semble craindre à chaque instant que Pallando s’exprime et lui fasse honte.

-Mais Saroumane possède une grande connaissance des Anneaux et de leurs pouvoirs, de par sa dévotion à Aulë le Forgeron. Est-ce que cela ne constitue pas un grand atout pour la lutte qui l’attend ?

Aulë est un esprit noble, mais peut-on en dire autant de ses serviteurs ? Oublierais-tu Sauron, qui à servi aux côtés de Saroumane avant de devenir le pire ennemi d’Endor ? Et Saroumane, s’il possède la connaissance des Anneaux, me semble également plein de convoitise à leur égard. Je l’ai vu, il y a peu, lorgner avec avidité sur Vilya, l'’nneau d’Elrond. Un tel signe ne peut me tromper. "

Le long hurlement de trompes des hérauts retentit dans les couloirs, et Galadriel lève les yeux, qu’elle tenait fixés sur un point du pavage depuis de longue minutes.

" Nous y voici, dans quelques heures maintenant, les Istari auront un chef. Puissons-nous faire le bon choix, car si nous nous trompons, nous n’en aurons plus jamais d’autre. "

D’un pas lent, les deux Elfes s’éloignent vers la grande salle, abandonnant le couloir en silence.

Le Conseil Blanc

Quelques heures plus tard, des silhouettes, marchant par petits groupes, traversent à nouveau le lieu. Au silence, succède un florilège de chuchotement, de discours emportés et de musique, puisque la fête a déjà commencé. A l’écart des réjouissances, Galadriel et Fenromë ruminent sombrement leur défaite.

" Qui aurait pu s’y attendre, ma Dame, qui aurait pu penser que le Conseil désignerait Saroumane ?

-Nous aurions dû nous en méfier davantage, Fenromë. Nous avons oublié que Saroumane est passé maître dans l’art d’influencer les esprits. Plus qu’un grand sorcier, cet Istar est un diplomate émérite, un négociateur retors, et un redoutable tacticien. Je suis sûre qu’il avait tout préparé dès le début.

" Il est élu, et tous pensent que c’est pour le mieux. Ils festoient en toutes insouciances et sans doutes ont-ils raison. Pourtant, mes visions demeurent sombres, comme si cette décision avait obscurci notre futur. Lorsque j’ai mis en garde les membres du Conseil contre le choix d’Alatar, j’ai sans le vouloir ouvert la porte à Saroumane, qui n’attendait que cela. Aux yeux de tous, Saroumane est le plus grands des Istari. Il a su séduire les partisans de la force qui aurait suivi Alatar, comme Rilia. Il a enjôlé les indécis, comme Arduin ou Cirdan. Et par sa prétendue surprise, et ses attentions envers Radagast et Pallando, il s’est attiré les faveurs des plus pacifiques, de mon mari et d’Elrond. Sommes-nous stupides Fenromë, ou est-ce moi qui deviens folle ?

-Non, ma Dame, il est vrai que Saroumane à magnifiquement manœuvré. En s’assurant le soutien de Radagast et celui de Pallando, malgré l’amitié qui lie ce dernier à Alatar , il devenait suffisamment puissant pour imposer sa volonté. Néanmoins, la volte-face de certains membres du Conseil me surprend, et je soupçonne le Sorcier d’avoir usé de la magie pour influencer leur décision.

-Tu as raison, c’est probable et cela expliquerait pourquoi Cirdan s’est rallié à lui alors qu’il avait, peu avant, mis le Conseil en garde contre l’ambition de Saroumane. Cirdan a toujours été un ami de Gandalf, et lui a même confié l’anneau Narya il y a quelques années. Si seulement je m’en étais rendu compte plus tôt, nous aurions pu intervenir, mais je crains qu’il ne soit maintenant bien trop tard. Par la ruse et la duperie, Saroumane est arrivé à ses fins. Il dirige les Istari et ne va sans doute guère tarder à mettre Gandalf à l’écart, lorsqu’il se rendra compte que l’opiniâtreté de notre ami peut menacer son hégomonie.

-N’oublions pas, cependant, que les Istari ont été réuni pour une mission bien précise. Le pouvoir de Saroumane, pour considérable qu’il soit, ne pourra s’exercer que dans ce cadre. Maintenant qu’il est parvenue à dominer ses semblables, il va sans nul doute placer toute son énergie dans la lutte contre le Nécromancien et ses suppôts.

-Espérons-le, Fenromë, espérons-le. Mais pour l’heure, il est temps de rejoindre la fête, notre absence va finir par être remarquée. Et tentons de faire moins grise figure, car les jours à venir nous en donneront amplement plis l’occasion que celui-ci ".

Le Seigneur des Anneaux

Longtemps après le départ de Galadriel et de Feromë, le couloir résonne encore de la menace sourde que prophétisait la Dame des Elfes, souveraine de Lorien. Saroumane vient de prendre la tête du Conseil Blanc et, quelques années plus tard, se détournera de sa mission pour suivre Sauron le Nécromancien, l’ennemi ultime des Terres du Milieu. Bientôt, la Guerre de l’Anneau va commencer. Mais ceci est une autre histoire, encore perdue dans les limbes du futur.

 

 

 

Ce texte a été écrit à la base par Jean François Nicard, et je l’ai ensuite mis sur support informatique à l’aide de mon pc, mon cerveau et mes dix doigts. ;-)

 

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